Dans l’imaginaire collectif, la maladie mentale est fréquemment associée à la violence. Ce lien, entretenu par les médias, les productions cinématographiques et parfois même par des discours politiques, alimente une peur irrationnelle à l’égard des personnes souffrant de troubles psychiques. Pourtant, les données scientifiques et les analyses sociologiques tendent à démontrer que ce rapport est largement exagéré, voire erroné. Il est donc essentiel de déconstruire cette représentation pour rétablir une vision plus juste et nuancée de la réalité des maladies mentales.
La stigmatisation des personnes atteintes de troubles mentaux repose en grande partie sur des cas isolés, souvent médiatisés de manière sensationnaliste. Lorsqu’un crime particulièrement violent est commis et que le suspect est diagnostiqué avec un trouble psychique, ce détail est souvent mis en avant, comme s’il expliquait à lui seul le passage à l’acte. Pourtant, la majorité des actes violents sont perpétrés par des personnes qui ne souffrent d’aucun trouble mental diagnostiqué. De nombreux experts s’accordent à dire que les facteurs socio-économiques, les antécédents de violence, la consommation de substances ou les conditions de vie précaires jouent un rôle beaucoup plus significatif dans l’apparition de comportements violents que la maladie mentale en elle-même.
Les études épidémiologiques révèlent que les personnes atteintes de troubles mentaux sont bien plus susceptibles d’être victimes de violence que d’en être les auteurs. Elles sont plus exposées à l’exclusion sociale, au chômage, à l’isolement et à la précarité, ce qui les rend particulièrement vulnérables. Cette réalité contraste fortement avec l’image du « fou dangereux » véhiculée dans certaines sphères de la société. En réalité, les troubles mentaux comme la dépression, l’anxiété, la schizophrénie ou les troubles bipolaires ne se traduisent que très rarement par des comportements agressifs. Et lorsque ceux-ci surviennent, ils sont souvent le résultat de l’absence de soins appropriés, du manque de suivi ou de l’exacerbation des symptômes par des circonstances extérieures défavorables.
Il est également important de souligner le rôle des politiques publiques et du système de santé dans la gestion des maladies mentales. Le manque de ressources dans les services psychiatriques, la pénurie de professionnels qualifiés, la stigmatisation institutionnelle et les délais d’attente pour l’obtention de soins contribuent à la détérioration de l’état des patients. Ce contexte peut favoriser des situations de crise, mais il serait erroné d’imputer ces dérives uniquement à la pathologie de l’individu. Le problème est bien plus structurel qu’individuel.
En entretenant le mythe du malade mental violent, la société perpétue une discrimination injuste et dangereuse. Cette stigmatisation a des conséquences concrètes : elle freine l’accès aux soins, isole les personnes concernées et alimente la peur plutôt que la compréhension. Elle contribue également à l’auto-stigmatisation, lorsque les patients eux-mêmes finissent par intérioriser cette image négative, ce qui peut aggraver leur souffrance psychique et les éloigner des ressources d’aide.
Pour construire une société plus inclusive et plus juste, il est indispensable de revoir nos représentations des troubles mentaux. Cela passe par une meilleure éducation du public, une couverture médiatique plus responsable, une amélioration des services de santé mentale, et une volonté politique affirmée de lutter contre la stigmatisation. La violence, phénomène complexe et multifactoriel, ne peut être réduite à la seule variable de la maladie mentale. Associer systématiquement ces deux réalités relève d’un raccourci dangereux, injustifié scientifiquement, et préjudiciable humainement.