Une réalité souvent tue
Parler de santé mentale, c’est encore, pour beaucoup, une source de gêne, de malaise, voire de honte. Si les discours sur le « bien-être mental » gagnent en visibilité, les discriminations subies par les personnes vivant avec des troubles psychiques, elles, restent largement ignorées. Invisibles parce que silencieuses, quotidiennes, normalisées, ces injustices s’ancrent profondément dans les structures sociales, professionnelles et institutionnelles.
Les personnes concernées témoignent d’un sentiment d’incompréhension, de stigmatisation, voire de rejet. Le regard posé sur elles est souvent réducteur, empreint de méfiance, voire de peur. On doute de leur fiabilité, on remet en question leur légitimité, on minimise leurs capacités. Ces attitudes, parfois subtiles, participent à leur isolement et freinent leur inclusion dans la société.
Des discriminations multiples et croisées
Les discriminations liées à la santé mentale prennent des formes variées : exclusion du monde du travail, difficultés à accéder à un logement, refus de soins, jugements dans la sphère familiale ou sociale. Dans bien des cas, ces discriminations s’entrecroisent avec d’autres formes d’oppression : sexisme, racisme, validisme, précarité. Elles ne se vivent donc jamais de façon isolée.
Une salariée peut être mise à l’écart après avoir parlé d’un épisode dépressif. Une personne hospitalisée en psychiatrie peut se voir privée de ses droits fondamentaux sans recours facile. Un étudiant peut être exclu d’un cursus faute d’adaptations. Ces situations ne sont pas des exceptions : elles révèlent une culture profondément psychophobe, où la souffrance psychique est mal comprise, mal encadrée, mal accueillie.
Le poids du silence
L’un des aspects les plus destructeurs de ces discriminations est le silence qu’elles imposent. Par peur du rejet ou de la marginalisation, de nombreuses personnes choisissent de cacher leurs troubles, de ne pas demander d’aide, de continuer à « faire semblant ». Ce déni social pousse à l’auto-stigmatisation, amplifie la détresse et retarde la prise en charge.
Ce silence est aussi institutionnel : peu de lois protègent spécifiquement les droits des personnes en souffrance psychique, et les dispositifs d’accompagnement restent insuffisants, sous-financés ou inadaptés. Dans les politiques publiques, les troubles psychiques sont souvent traités sous l’angle médical uniquement, sans prendre en compte les dimensions sociales, économiques et discriminatoires de la santé mentale.
L’urgence d’un changement de regard
Il est temps de reconnaître la santé mentale comme un enjeu de société à part entière, au même titre que les autres dimensions de la santé. Cela signifie écouter la parole des premiers et premières concernées, intégrer leur expertise dans les politiques publiques, former les professionnelles à une approche déstigmatisante, et faire évoluer les représentations collectives.
Les médias, les écoles, les entreprises, les institutions ont un rôle central à jouer dans cette transformation. Parler ouvertement de santé mentale, sans honte ni stéréotypes, permet de déconstruire les idées reçues et de créer un espace de solidarité et de compréhension.
Reconnaître pour mieux agir
Briser le silence, c’est commencer par nommer ce qui reste encore tabou : la psychophobie, les discriminations systémiques, les violences institutionnelles. Ce travail de reconnaissance est indispensable pour construire des politiques justes et inclusives. Il est aussi un acte de réparation pour toutes celles et ceux dont la souffrance a été ignorée, méprisée ou niée.
Reconnaître, c’est aussi agir : améliorer l’accès aux soins, garantir les droits des personnes concernées, soutenir les démarches de rétablissement, financer la recherche sur les inégalités en santé mentale. C’est enfin donner toute leur place aux personnes vivant avec un trouble psychique dans les débats, les décisions et les solutions.
Pour une société plus humaine
Briser le silence sur les discriminations invisibles liées à la santé mentale, c’est refuser de laisser une partie de la population dans l’ombre. C’est faire le choix d’une société plus juste, plus humaine, plus consciente de la richesse et de la diversité des parcours psychiques.
Ce combat n’est pas seulement celui des personnes concernées. C’est une responsabilité collective. Parce que la santé mentale, comme la dignité, nous concerne toutes et tous.
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